[Écriture et lecture libératrice] Le ring de boxe
Un stage d'écriture, des réflexions, philosopher, noter, embéllir, écrire, reformuler, trouver les mots justes, pleurer, rebondir, sororité,....et puis d'une traite, les émotions du moment se révèlent.
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Un grand hall sportif.
Un grand hall, rempli de gradins.
Des gradins vident pour le
moment.
Au centre, le ring de boxe,
légèrement en hauteur pour être sous les spots
…
Pour être vu.
Le ring est délimité par 4x3 cordes. Le tout se repose sur 1 plancher de 1m de hauteur ; 2 coins pour les combattantes et 2 coins neutres pour les périodes de KO.
Voilà, ça, c'est le cadre,
Selon la réglementation, le cadre
ne peut pas déborder.
Pour le combat, 2 boxeuses, 2 femmes fortes, en apparence.
2 femmes portant leur ceinture d'identification, une ceinture pour montrer leur
appartenance.
Chacune dans son clan.
Dès à présent, les gradins se remplissent des supporters : joyeux, agressifs, bienveillants, passionnés, envahissants, différents, par obligations, contrôlants …les supporters connaissent eux aussi leur appartenance. Il est une évidence pour eux d'exposer celle-ci, haut et fort, avec force. Montrer son pouvoir, influencer, s'imposer. Les supporters vivent les matchs de boxe en brandissant des drapeaux, en portant des casquettes, des foulards, en chantant, en se motivant, en se bousculant, en sautillant, en mâchouillant.
Chacun dans son clan.
Des spots énormes s'allument sur le ring.
Les boxeuses, encouragées par leur coach s'approchent et se font endoctriner par des mantras répétitifs et reçoivent les derniers conseils : « il faut, tu dois, tu es la meilleure. Ecrase ton adversaire, ton ennemie. »
La rage commence à monter en elles. Elles se transforment en pitbull. « Je suis la meilleure, je dois gagner », car 'on' me l'a fait comprendre.
Les supporters mettent la pression en scandant le nom de leur participante favorite.
Les boxeuses absorbent les cris, les chants, les odeurs … au-delà de leur rôle de boxeuse, elles deviennent pantin d'un système sportif, car elles ont « tellement » de chance : les sponsors veulent bien les soutenir, car aujourd'hui elles apportent de la valeur…mais demain ?
Elles montent et s'installent dans le coin du ring, les poings serrés. Les muscles du cou se tendent. On aperçoit les veines. Elles n'entendent plus rien. Elles se centrent sur elle-même. Tellement plongées dans leur rage de vaincre, leur état d'âme se transforme en colère. Toute la colère des défaites précédentes surgit : « Je dois gagner. » Elles crient un bon coup afin de se motiver. Les dents blanches apparentes. Plus personne ne peut leur parler, car elles sont devenues comme des bêtes féroces. Leur coachs ôtent leur kimono en satin, tout doux sur la peau. Celui-ci est déposé délicatement sur les cordes.
Dernière protection avant d'entamer le combat, le protège-dent. Celui qui réduit en un instant la parole, l'expression orale. A partir de maintenant, les boxeuses sont dans le « faire ». plus rien ne compte. C'est ce qu'on leur demande….faire…et surtout réussir…
Pour qui, pour soi, pour une équipe, pour un club, pour les supporters ?
Pourtant ce sont elles seules qui prennent les risques.
La cloche sonne.
Les supporters sont en délire.
Le face à face débute.
Un premier coup part : un jab, un cross, ensuite un hook. Il s'en suit un uppercut. Un premier KO. Les boxeuses rejoignent les coins neutres du ring, pour récupérer, à peine 1 minute. Le temps c'est de l'argent.
Elles sont logées à la même enseigne :
Le même objectif : gagner, vaincre, réussir,… peu importe le mot qu'on lui
donne
Les mêmes coups durs
La même folie
Tout juste remise de leurs émotions, les voilà de nouveau au centre de l'attention : un jab, un cross, un hook, un back hook…cette fois, c'est l'autre boxeuse qui subit, qui encaisse…3 min. seulement.
Le visage tuméfié, elles retournent dans le coin.
La cloche sonne…un nouvel round, un de plus…jusqu'à 12 rounds au total. La sueur coule sur leur visage. Le corps fatigue, des hématomes apparaissent. C'est normal, ca fait partis du jeu. Les combattantes s'accommodent. Elles connaissent que ça, le mode pilote automatique.
Elles continuent à défier un cross, un hook, un uppercut, un KO. A répétition jusqu'à ce que le corps n'en puisse plus. Couverts de coups, des fractures physiques et psychiques, le KO de 1 min. devient un KO définitif. Le combat prend fin.
Les supporters sont en effervescence. La musique a repris de plus belle.
Le regard des 2 boxeuses se croisent. Le temps se fige, pendant 1 seconde seulement : toutes les émotions défilent : les doutes, la rage, la tristesse, la haine, la honte,…et de la compassion,…
L'une d'entre elle s'écroule à terre, dans un état second…elle s'en veut, elle s'en veut d'avoir baissé la garde, envers elle-même, envers son équipe, envers ses supporters. Elle n'a pas réussi à prendre sa place. Elle a perdu….
Petit à petit son corps se remet
en mouvement.
Pour l'aider à se relever, une
main aimante lui est tendue.
La main de l'autre combattante.
De l'autre moi.
La main de ma colère et de ma
tristesse.
Alors, seulement, mon tout se détend. Au touché de sa main, et de mon kimono satiné, une chaleur m'envahit.
Je
pleure et je ne sais pas pourquoi.
Ou
plutôt, si, je sais trop bien pourquoi.
Je
ne me sens pas à la hauteur des 2 boxeuses.
Ni
des supporters.
Surtout
des supporters.
Et si je me réjouissais d'une médaille d'argent ?
Et si j'acceptais le processus du combat ?
✍️✍️✍️
La vie va 🙏